Baliseur ver...balisé (extrai du buletin n° 12)

Le samedi 22 mai 1999, nous avions prévu de baliser en deux équipes l'itinéraire de la marche ADEPS que le cercle sportif de l'Institut Géographique National organisait le lendemain. Durant ce balisage, il m'est arrivé une mésaventure que je me dois de vous relater.

Un collègue et moi, formions l'équipe "ville", et notre mésaventure trouve son origine lors de notre rencontre avec le chauffeur du Bourgmestre de la Ville de Bruxelles François-Xavier de Donnéa. L'itinéraire choisi cette année n'avait en fait qu'un seul défaut : celui de passer devant la rue où habite Monsieur de Donnéa ! C'est ainsi que son chauffeur est intervenu en nous voyant coller les flèches ADEPS sur le mobilier urbain. Je ne connais toujours pas les motivations de son chauffeur : était-ce pour la défense du mobilier urbain, pour tuer le temps en attendant son patron, pour faire son intéressant, voire son important ? Je vous laisse juge de la situation. Toujours est-il que, pour éviter les problèmes, nous avons décidé d'attendre le Bourgmestre de Bruxelles. Une demi-heure plus tard, nous avons donc eu l'immense honneur de nous adresser à Monsieur de Donnéa en personne. Il faut rappeler que nous n'étions qu'à 3 semaines des élections du 13 juin. C'est sans doute pourquoi notre brave Bourgmestre a assimilé nos flèches ADEPS à de vulgaires tracts électoraux, et même après une explication sur la destination de ces papiers, il n'a pas admis que nous continuions à les placer. Il prétendait que nous autoriser à placer ce balisage était une incitation pour les colleurs d’affiches électorales à placarder leur propagande sur le mobilier urbain. Dans notre chef, cela signifiait l'impossibilité d'organiser la marche du lendemain. Son refus ruinait donc toute l'organisation mise sur pied depuis plusieurs mois par une poignée de bénévoles. Je lui ai aussi signalé à ce moment-là que j'avais pris la précaution d'avertir toutes les communes traversées par la marche ainsi que l'IBGE pour ce qui concerne le passage en Forêt de Soignes, et que, suite à ce courrier, il nous avait personnellement accordé l'autorisation de baliser. Il m'a alors répondu que jamais il n'aurait autorisé une chose pareille, et je n'ai, malheureusement, pas été en mesure de lui en apporter la preuve, n'ayant pas, à cet instant, l'autorisation en ma possession. Or, ce document daté du 11 mai 99 tolère textuellement le fléchage du parcours, mais porte aussi la signature manuelle de Monsieur de Donnéa. Devant mon insistance, et peut-être aussi mon désarroi de devoir annuler la marche, il a finalement admis au dernier moment un balisage sur plaquette unalit fixées au moyen d'une ficelle au mobilier urbain. La marche était sauvée !

Quelques centaines de mètres et quelques plaques unalit plus loin, à l'entrée même du parc de l'Abbaye de la Cambre, mon collègue et moi-même étions interpellés comme de vulgaires malfrats par une patrouille de police avertie que des colleurs d'affiches d'extrême droite sévissaient dans le quartier. Cette arrestation était digne des meilleurs feuilletons télévisés style Starsky et Hutch, le trottoir porte toujours les traces de freinage du véhicule d'intervention et les jantes dudit véhicule les marques de la bordure du trottoir. Je ne peux vraiment pas m'empêcher de voir un lien de cause à effet entre notre entrevue avec le Bourgmestre et cette intervention policière. Après avoir constaté que nous n'étions porteurs d'aucun tract politique, ils ont voulu voir nos autorisations de balisage. Les seules que j'avais en ma possession étaient celles de l'IBGE concernant la balisage en Forêt de Soigne. Nous avons donc fait le tour du quartier en voiture de police pour aller récupérer les autorisations dans ma voiture. Là, HORREUR !!! Elles étaient toutes là, sauf celle de Bruxelles. Nous étions porteurs de 5 autorisations, ce qui prouvait à suffisance que nous avions pris nos précautions en avertissant les autorités compétentes. Nous aurions parfaitement pu présenter l'autorisation manquante plus tard dans la journée. De plus, je me dois d'ajouter que toutes les modalités pratiques de cette organisation avaient été communiquées au commissaire-adjoint de la même brigade auprès de laquelle j'avais été convoqué quelques semaines auparavant. Je ne comprends vraiment pas pourquoi, sur ce laps de temps, cette information n'a pas eu le temps de descendre deux étages.

Pourquoi, après avoir constaté notre bonne foi, avons-nous été victimes de l'excès de zèle de la police de Bruxelles en étant, malgré tout, emmenés au poste pour y être entendus durant près de deux heures et y dresser un procès-verbal, si ce n'est pour se couvrir vis-à-vis d'un ordre provenant "d'en haut" ? En outre, j'étais dans l'impossibilité de contacter les membres de la deuxième équipe de baliseurs, et je pouvais imaginer leur inquiétude en constatant notre retard.

Voici ce que je retiens finalement de cette mésaventure :

La période électorale est une époque dangereuse pour les baliseurs de marche puisqu'ils sont assimilés à des colleurs d'affiches électorales.

Il n'est pas bon de mélanger les genres : faire passer une marche, sport populaire par excellence, devant des rues comme le "square du Bois" où habite Monsieur de Donnéa –cette impasse est aussi connue dans le quartier sous le nom de "clos des milliardaires" – est vraiment du plus mauvais effet.

Il y a un vrai manque de coordination au sein de la police de Bruxelles. En effet, après avoir averti la commune de l'organisation de la marche, j'ai été convoqué par le commissaire-adjoint afin de régler toutes les modalités pratiques de cette organisation. Quelques semaines plus tard, les policiers de la 6ème brigade ne sont au courant de rien.

Alors que j'avais pris toutes les précautions d'usage afin d'avertir les autorités concernées par la marche, occuper de cette façon les policiers de la Ville de Bruxelles à de telles futilités frise l'indécence. Je pense que pendant tout ce temps perdu, ils auraient pu être bien plus utiles ailleurs.

Vous pouvez aisément imaginer que j'ai beaucoup mieux à faire que perdre plusieurs heures en tracasseries administratives préventives qui s'avèrent en fin de compte inutiles et plusieurs autres heures à être interrogé dans un commissariat.

Enfin et surtout, il ne faut pas se fier à la signature d'un homme politique, puisque onze jours à peine après avoir signé l'autorisation de la marche incluant textuellement l'autorisation de fléchage, Monsieur de Donnéa affirme exactement le contraire du contenu de cette autorisation.

Si le but recherché est de décourager les bénévoles qui prennent en charge de telles organisations, je pense qu'il est atteint : le comité du Cercle Sportif a, suite à ces événements, décidé de ne plus renouveler l'expérience vu que nous sommes dans l'impossibilité d'éviter le passage dans ce quartier où les marcheurs sont "persona non grata".

Jean-Pierre Beeckman, ex-responsable de la marche ADEPS de l'IGN.

Retour page précédente